La Chape de St Louis d’Anjou

La chape de saint Louis d’Anjou est le trésor le plus emblématique de la basilique Sainte-Marie-Madeleine. Datée du XIIIème siècle, elle fut confiée en 1317 aux Dominicains pour honorer le tombeau de Marie Madeleine. Elle est d’une facture royale exceptionnelle par sa réalisation en « opus anglicanum », mais aussi par les secrets de sa commande, sa parenté avec les chapes pontificales, la richesse de son ornementation, la délicatesse des images qui s’égrainent à la manière du rosaire. Sur les pas de Saint Louis d’Anjou et auprès de Marie Madeleine, les silhouettes brodées acquièrent souplesse et grâce au fur et à mesure que l’on avance dans la lecture des médaillons.

Des images bibliques de grande qualité

L’ouvrage réalisé par les éditions d’art de Flammarion, Somogy, nous offre des agrandissements de détails de la toile de lin brodée il y a plus de sept cent ans et qui a accompagné dominicains et prêtres dans leur charge auprès de la Bien-aimée du Christ. Cet ornement liturgique avait pour vocation de signifier la grandeur divine et d’honorer de manière royale les hôtes prestigieux du couvent et de sa basilique. En tant que relique secondaire ayant appartenu à un saint de la famille royale, elle contribuait à renforcer le pouvoir spirituel et temporel de la dynastie capétienne en Provence.

Saint Louis d’Anjou et Marie Madeleine

Louis d’Anjou fut canonisé comme son grand oncle Saint Louis, le roi de France, dont il avait adopté la dévotion et les prières. Il était le second fils de Charles II, roi de Naples et comte de Provence qui redécouvrit les reliques de Marie Madeleine et fit édifié la basilique. Sur les terres sacrées de Provence, la destinée de ce prince et sa vocation franciscaine rendent l’histoire de cet ornement très attachante. La courte et sainte vie de ce jeune évêque est lumineuse: un éclair paradoxal entre Foi et Pouvoir, entre devoir de sang et mission spirituelle. Elle est une relique d’un prince de l’Eglise qui exalte avec grâce la splendeur du culte et l’humilité des serviteurs de Dieu.

Un objet d’art sacré exceptionnel

Investie du poids de l’histoire et de la renommée d’un personnage à la destinée hors du commun, la chape de saint Louis d’Anjou reçut l’onction d’un classement au titre des Monuments historiques le 31 mai 1897; de manière très précoce, donc, puisque les premières mesures de protection d’objets mobiliers ne remontent pas au-delà de 1891, en application d’une loi promulguée en mars 1887. C’est dire la prééminence qui lui fut accordée alors. Ressortissant au patrimoine religieux, cette pièce d’habit liturgique appartient à l’une des catégories dominantes au sein du corpus national des objets classés. Ménageant son aura de relique, elle a certes cessé d’être honorée en tant que telle, mais, par le truchement d’une vénérabilité de plus de sept siècles, elle a graduellement surajouté la dimension de trésor d’histoire et d’art.

Une technique aujourd’hui disparue

Le travail des artisans du Moyen Âge répondait à des exigences bien précises. L’activité s’apparentait aux broderies de l’industrie du luxe d’aujourd’hui avec une formation en sept ans sous la direction d’un maître brodeur. Regroupés en corporation, les artisans devaient se conformer aux règles d’exécution fixées pour les broderies de l’opus anglicanum dit « broderie anglaise » . L’ouvrage était demandé par un commanditaire qui en payait l’exécution mais aussi les matières premières, fixait ses exigences concernant le choix de l’ornementation mais aussi entretenait l’atelier, son personnel et sa sécurité durant plusieurs années. Très prisées, ces broderies connurent apogée et déclin: recherchée pour sa  finesse et sa beauté, cette technique se développa pour atteindre une production massive avec des points grossiers et des fils d’or qui n’en possédaient que des traces. Le coût exorbitant et les épidémies de peste qui décimèrent peu à peu les ateliers, furent à l’origine de la disparition totale de cette technique d’art au profit du velours de soie ou des soieries tissées.

Composée comme une prière

Le programme iconographique est composé comme la prière dominicaine du rosaire qui prendra forme quelques deux siècles plus tard. Sur la partie gauche on peut lire les mystères joyeux de l’enfance de Marie et de son fils Jésus. Certains motifs sont empruntés aux textes des évangiles apocryphes comme certaines fresques de Giotto pour leurs qualités pédagogiques si chères à saint François d’Assise. La partie droite se compose des mystères douloureux de la passion du Christ. Les attitudes des personnages sont plus accentuées et serpentent à la manière de l’ornementation de l’art gothique. Le centre de la chape est consacré à la gloire de Marie couronnée par son fils ressuscité. Cette composition en 30 médaillons circulaires s’apparente à celle de la chape du pape Boniface VIII conservée à Anagni en Italie.

Des secrets tissés dans son âme

La chape se dévoile à nous dans ce livre qui lui est consacré pour s’offrir à la méditation des fidèles comme elle le faisait au temps de Louis d’Anjou ou des grandes processions magdaléniennes. Certains y retrouveront le coup d’œil furtif que l’on pouvait lui jeter lors de son exposition dans une vitrine reliquaire protégée d’un rideau. Aujourd’hui sa destinée est autre. Les exigences pour sa sauvegarde nécessitent des précautions qui ne permettent son exposition que dans des conditions très strictes et règlementées. De nombreuses questions restent en suspend et pourraient trouver réponse par des investigations scientifiques d’analyse des fibres textiles ou des pigments utilisés pour les teintures. Mais ces réponses à qui, quoi, comment … ne satisferont jamais totalement et la piste la plus sûre pour se rapprocher de cette chape est la méditation sur la beauté de ces médaillons qui épouse la grandeur de la basilique. 


par Françoise Sur, présidente des « Amis de la Basilique » (contacter l’assocation par email )

  • 112 pages, 110 illustrations
  • 22 x 28 cm
  • 25 €
  • broché avec rabats

Quelques photos en basse résolution